Modalités d’exécution de l’assurance dommages-ouvrage : dernières précisions
Publié le :
24/10/2022
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À l’occasion d’une récente décision de la Cour de cassation, l’équipe GAGNAIRE ASSOCIÉS NOTAIRES revient sur la mise en œuvre de la garantie dommage-ouvrages.
Le contrat d’assurance dommages-ouvrages est une couverture obligatoire à laquelle doit souscrire le maître d’ouvrage, avant l’ouverture du chantier, qui lui permet, et ce en dehors de toute responsabilité, d’être assuré du paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les professionnels participant à la construction de l’ouvrage.
La police prend en charge les sinistres intervenus dans les 10 ans consécutifs à l’achèvement de l’ouvrage, dont le délai court à l’expiration de celui offert par la garantie de parfait achèvement (un an).
La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 septembre 2022, rappelle une condition impérative à la mise en œuvre de la garantie dommage ouvrage : celle de mettre en demeure le maître d’œuvre de reprendre les désordres.
Dans cette affaire, le commanditaire d’un projet de constructions de logements, en tant que maître d’ouvrage chargé du chantier, fait appel à un architecte en la qualité de maître d’œuvre, afin de lui confier la conduite des opérations de travaux (contrat de maîtrise d’œuvre). Le maître d’œuvre n’est pas habilité à effectuer lui-même les travaux, c’est pourquoi il missionne un prestataire pour la réalisation du gros œuvre et l’installation du réseau de chauffage et plomberie (contrat de louage d’ouvrage). Cependant, la société de bâtiment n’honore pas la prestation, alors le maître de l’ouvrage lui notifie la résiliation du contrat au mois de janvier 2010. Intervient ensuite la liquidation judiciaire de l’entrepreneur défaillant au mois de mai de la même année.
Le maître de l’ouvrage souhaite mettre en œuvre la garantie dommage-ouvrages pour les désordres constatés, mais son assureur refuse de couvrir le dommage. Le commanditaire assigne son propre assureur, l’architecte et l’assureur de ce dernier, afin d’obtenir un remboursement de sa cotisation et la réparation de son préjudice.
La Cour d’appel n’accueille pas la demande du plaignant, car les conditions de mise en œuvre de la garantie ne sont pas remplies puisque le contrat ne stipule premièrement pas, la possibilité pour le maître d’ouvrage de déléguer la charge de la mise en demeure de l’entrepreneur, afin de lui demander d’exécuter ses obligations contractuelles. En deuxième lieu, à défaut de délégation, rien ne prouve que le maître d’ouvrage se soit lui-même occupé de mettre en demeure le prestataire avant de résilier le contrat de louage, puisqu’il n’est pas en mesure de le justifier. En conséquence, l’application de la garantie n’est envisageable que dans la situation où le maître de l’ouvrage adresse une mise en demeure avant de signifier la résiliation.
Devant la Cour de cassation, le maître d’ouvrage sollicite à son bénéfice, la clause du contrat de maîtrise d’œuvre qui chargeait l’architecte de « l’établissement et l’envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d’assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et faisait interdiction au maître d’ouvrage de « donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises ».
Son pourvoi est rejeté par la Cour de cassation, puisqu’à l’occasion de la découverte d’un désordre avant la réception de la construction, la mise en demeure de l’entrepreneur n’a pas été réalisée par le maître d’ouvrage, qui s’est contenté de procéder à la résiliation du contrat afin de se prévaloir de la garantie, arguant du fait que postérieurement à liquidation de l’entrepreneur, l’architecte du projet avait mis en demeure ce dernier de réaliser ses obligations.
Les termes du contrat de maîtrise d’œuvre ne confiaient nullement un mandat à l’architecte pour réaliser les prérogatives relatives à la mise en demeure préalable à toute demande fondée sur la garantie dommage ouvrage.
Pour la troisième chambre civile : « La mise en demeure s’entendant de l’acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu’il exécute ses obligations, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que la mise en demeure qui, en application de l’article L. 242-1 du code des assurances, devait être adressée à l’entrepreneur avant la résiliation de son contrat, devait émaner du maître de l’ouvrage ou de son mandataire ».
D’autre part, le maître d’ouvrage soulève en vain l’argument selon lequel la formalité de la mise en demeure n’était pas requise puisqu’inutile, du fait de la cessation de l’activité de l’entreprise placée en liquidation judiciaire, emportant résiliation du contrat de louage d’ouvrage.
Cet argument est contesté par la juridiction de second degré qui constate que la résiliation du contrat est intervenue avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, sans qu’il ait été au préalable été question d’une mise en demeure postérieurement à cet évènement.
Verdict confirmé par la Haute juridiction.
En conclusion, le maître d’ouvrage lorsqu’il souhaite déléguer ses prérogatives relatives à l’exécution des garanties offertes par l’assurance dommages-ouvrage, doit impérativement conclure un mandat en ce sens, et à défaut, la mise en demeure adressée à l’entrepreneur défaillant de respecter ses obligations, ne peut être exercée que par le souscripteur de l’assurance, s’il souhaite bénéficier de la couverture dommage ouvrage. Seules l’impossibilité ou l’inutilité d’une telle démarche, à condition d’être effectives, peuvent le dispenser de cette formalité.
Référence de l’arrêt : Cass. civ. 3ème,7 septembre 2022, n°21-21.382
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