Un testament prévoyant des attributions facultatives aux héritiers sur des biens communs ne peut être qualifié de testament-partage
Publié le :
08/07/2022
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Un testament-partage consiste pour le futur défunt, aussi nommé le « de cujus », à établir un acte notarié destiné à répartir et à imposer le partage de son patrimoine entre ses héritiers présomptifs, c’est-à-dire des personnes qui ont vocation à lui succéder en raison de leur lien de parenté, notamment son conjoint et ses enfants.
En pratique, la répartition des biens s’effectue sous la forme de « lots » attribués aux héritiers selon la convenance du testataire, avec la possibilité de réaliser un partage inégalitaire sous réserve qu’il ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire, soit la part d’héritage minimale garantie à chaque héritier réservataire.
En outre, cette libéralité est uniquement ouverte au bénéfice des légataires lorsqu’elle porte sur un bien commun, conformément aux dispositions de l’article 1423 du Code civil.
La jurisprudence précise notamment que les héritiers ne peuvent être allotis par des biens communs puisque leurs « parts doivent être déterminées au moment même du décès de l'ascendant, et ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage ultérieur de la communauté ».
Or, le fait qu’un testament puisse prévoir uniquement des attributions facultatives à ses bénéficiaires interroge les praticiens depuis plusieurs années sur sa qualification juridique en tant que testament-partage.
À l’occasion d’un récent litige, la Cour de cassation tranche enfin cette question.
Concernant les faits, des époux mariés sous le régime de la communauté des biens prévoient, par le biais de deux testaments authentiques rédigés en des termes quasi identiques, de léguer tous deux la quotité disponible de leurs patrimoines à un premier enfant, ainsi que la faculté de prélever, à titre d’attribution, un immeuble dépendant de la communauté. Le second enfant bénéficie quant à lui d’une faculté d’attribution similaire sur un autre bien immobilier, appartenant aussi à la communauté, et dont il est locataire.
Lors de la succession, la fratrie entre en conflit, puisque le second fils estime qu’il ne bénéficie pas de la priorité, et demande la nullité des deux testaments auprès des juges d’appel, qui ont entendu sa demande.
Après avoir observé que ces actes notariés sont rédigés de façon similaire, et qu’ils ont pour objet la répartition entre les héritiers de la quasi-totalité du patrimoine du couple, la Cour d’appel les requalifie comme des testaments-partages. Elle estime que les époux ont en effet entendu procéder de manière anticipée au partage de leurs biens communs entre les héritiers, ce qui revient à excéder la faculté accordée aux ascendants par l’article 1075 du Code civil, et contrevient donc aux dispositions de l’article 1423 du même code qui ne s’applique qu’aux légataires et non aux héritiers.
Un pourvoi en cassation est formé par le premier fils, et l’arrêt est censuré par la Cour de cassation.
La Haute juridiction, au visa des articles 1075 et 1079 du Code civil, énonce en attendu de principe que « le testament-partage est un acte d’autorité par lequel le testateur entend imposer le partage ».
Or, en l’espèce, ce n’était nullement le cas puisque la Cour d’appel avait bien constaté que « les attributions prévues par les testaments présentaient un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires, de sorte que ces actes ne pouvaient être qualifiés de testaments-partages ».
En conclusion, en raison de leur caractère facultatif, les testaments établis par les parents ne pouvaient être qualifiés de testaments-partages, lesquels imposent le partage de l’intégralité de la succession aux légataires et héritiers, en excluant ainsi toute faculté de prélèvement, et en conséquence la possibilité de léguer un bien commun.
Références : Cass. civ. 1er, 13 avril 2022, n° 20-17.199
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